Hybridée #2 : Photographie et conception d’une nouvelle offre

Parce que les percées novatrices se produisent souvent à l’intersection de plusieurs disciplines, Bartle propose de s’aventurer au croisement d’univers apparemment sans lien, pour vous offrir une source d’inspiration et vous inviter à penser autrement.

Une hybridée proposée par Cyril Faure

Auteur

Cyril Faure

Date de publication

6 octobre 2022

Temps de lecture

5 mins

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Le 10 septembre s’éteignait William Klein, photographe de mode et de rue américain. Il avait photographié New York comme on envoie un coup de poing en pleine figure. Dans cette hybridée, nous avons eu envie de nous laisser bousculer par la photographie sur le sujet de la conception d’une nouvelle offre.

Sommaire de l’article

Le photographe : artiste et passeur d’une certaine représentation du monde

La photographie narrative est une forme d’écriture donnant à voir un point de vue sur un sujet – une personne, un groupe de personnes, une situation – qui nécessite une véritable démarche de conception d’une nouvelle offre, en l’occurrence une offre artistique. L’art est souvent le lieu de questionnements avant-gardistes à de nombreux égards, alors comment peut-on s’en inspirer pour questionner les démarches de conception d’offres en entreprise ?

Connaissance du client versus intimité avec le sujet

Qui est le « client » de l’offre ? C’est sans doute l’une des premières questions de cadrage que l’on se pose. S’en suivent les traditionnels segmentation client, recueil de connaissance clients et persona (du latin per-sonare : « parler à travers ») inspirés du user-centered design.

La photographie narrative part d’une intuition, puis très tôt elle intègre une recherche documentaire, voire statistique du sujet qui permet de s’en faire une représentation mentale et théorique. Ce n’est qu’en allant sur le terrain que le photographe confronte sa représentation à la réalité et à la variance de son sujet, souvent loin des statistiques et des moyennes. Rencontrer, écouter, voire vivre avec son sujet sur un temps long avant même de prendre la moindre photo, voilà comment le photographe devient, non pas connaisseur des clients potentiels de son œuvre mais intime avec le sujet de sa production artistique.

Que peut-on en apprendre ?

A contre-courant des transformations « client centric », la démarche artistique ne se soucie pas de ses clients finaux, puisqu’elle ne cherche pas à plaire ou à rencontrer un « besoin », mais elle s’attache à une intention de l’artiste.

C’est bien l’intention qui est l’aiguillon de la démarche et non son public. On pourrait imaginer expliciter l’intention de l’entreprise en créant une nouvelle offre donnée et écouter à part égale la voix du client et notre intention, dans la conception d’une nouvelle offre. Après tout, ni la voiture en son temps, ni le smartphone plus récemment, ne répondaient à un besoin client. Et si on se projette dans le défi climatique qui nous anime, l’intention sera sans doute un levier aussi puissant de transition que la voix du client.

Une relation à l’intelligence collective faite de confrontations soigneusement choisies

La rencontre « terrain » n’est que la première d’une longue série de confrontation entre la représentation conceptuelle du projet de narration photographique et sa réalité future.

On peut évoquer ici 5 grandes étapes de confrontation à des « agitateurs » choisis ayant des impacts différents sur le projet :

  • La confrontation terrain permet de dépasser la connaissance théorique, les statistiques et les moyennes pour s’ancrer dans une réalité spécifique et riche de nuances et d’enseignements.
  • La confrontation à des pairs, parfois de grands maîtres, permet d’obtenir un effet miroir de la part de personnes ayant des démarches similaires sur d’autres sujets. La maïeutique qui en résulte permet, tout en restant maître de son intention, de reproblématiser son sujet et d’influer sur sa matérialisation.
  • La confrontation à d’autres univers apparemment sans lien avec notre sujet permet de « twister » l’angle avec lequel la problématique est vue pour rendre le traitement plus percutant et différenciant.
  • Pour les photographes qui choisissent le livre comme support final, la confrontation aux éditeurs demande d’accepter des concessions sur la sélection des images, le rythme et la double page, le format de l’ouvrage, le papier, etc.
  • Pour les photographes qui choisissent l’exposition, la confrontation à l’espace et au métier de la scénographie vient également infléchir le projet : la séquence dans laquelle on amène le public à parcourir une œuvre in vivo est déterminante. Le choix du format d’impression, l’éclairage, la sélection des images sont également importants.

Ensuite, vient la confrontation au public…

Que peut-on en apprendre ?

Conscients de la nécessité de collaborer davantage sur la conception de nouvelles offres, nous sommes parfois submergés par l’injonction du collaboratif à tout va. L’intelligence collective n’est jamais aussi puissante que lorsqu’elle est sous-tendue par une intention explicite et utilisée aux bons moments du projet.

On peut imaginer s’inspirer davantage de la démarche artistique en laissant le chef de projet maître de son intention initiale. Il peut ainsi s’appuyer sur l’intelligence collective sans être freinée par elle, aux moments qui lui semblent le plus opportuns : ni trop tôt pour ne pas perdre de temps collectif sur un projet insuffisamment cadré, ni trop tard parce que le mode projet porte une culture du résultat et qu’il doit délivrer.

Voyage en incertitude : entre itérations, lâcher prise et renoncement

Un fois le sujet de la narration photographique choisi, on connaît 10% du projet, les 90 autres, on les découvre en marchant.

Dans un projet de photographie narrative, les phases d’editing sont des phases de convergence clés éprouvantes car elles supposent de renoncer. Renoncer à une certaine idée que l’on se faisait du projet, renoncer à des images. Un story-telling n’est puissant que parce qu’il ne cherche pas à tout dire. De ce point de vue, certains comparent la photographie à la poésie.

Que peut-on en apprendre ?

Choisir c’est renoncer. En innovation collaborative, on dit souvent qu’il ne faudrait pas tomber amoureux de ses idées. Pour de multiples raisons, on n’arrive très peu à arrêter des projets en entreprise, à choisir nos combats dans un plan stratégique ou de Transformation.

Comment peut-on intégrer à la conception de nouvelles offres, des phases d’editing, où l’on se poserait explicitement la question de ce qu’on garde et de ce qu’on ne garde pas. Se poser la question, c’est déjà se donner la possibilité d’y répondre.

Les 3 leçons du jour !

La photographie, parce qu’elle nous offre un reflet sans filtre de notre réalité anthropologique et sociologique, nous engage à questionner notre manière de concevoir de nouvelles offres :

  • Comment expliciter notre intention en créant une nouvelle offre et lui donner autant d’importance que la voix des clients potentiels ?
  • Comment utiliser l’intelligence collective à bon escient ?
  • Comment se ménager l’espace temporel et mental de renoncer pour gagner en pertinence ?

Et vous, que souhaitez-vous retenir de cette démarche ?


Une hybridée proposée par :
Cyril Faure – Associé chez Bartle

Les photos qui illustrent cet article sont issues de projets menés par Cyril Faure. Il finalise actuellement un projet au long cours sur la reconstruction familiale, mené sur 18 mois. Pour découvrir son travail, c’est par ici !

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