Hybridée #3 : Innovation et œnologie

Parce que les percées novatrices se produisent souvent à l’intersection de plusieurs disciplines, Bartle propose de s’aventurer au croisement d’univers apparemment sans lien, pour vous offrir une source d’inspiration et vous inviter à penser autrement.

Une hybridée proposée par Antoine Vigier

Secteur

Innovation

Auteur

Antoine Vigier

Date de publication

17 novembre 2022

Temps de lecture

5 mins

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De l’ensemble des héritages du passé, le vin, dont les origines remontent à la Préhistoire, est assurément l’un de ceux dont la forme actuelle a été le plus façonnée par l’innovation. De la production, en passant par la conservation et le transport de ce produit à la renommée mondiale, cheminons sur les traces de son histoire à travers 3 innovations marquantes.

Sommaire de l’article

Le champagne, made in UK ?

Nous sommes au milieu du 17ème siècle et les vins blancs de Champagne jouissent d’une belle réputation de l’autre coté de la Manche… Néanmoins, les marchands de l’époque font face à 3 défis :

  • Hic numéro 1 : Lorsqu’il est expédié après les vendanges, le vin n’a pas encore réalisé la totalité de sa fermentation alcoolique, et les basses températures freinent encore davantage l’action des levures responsables de la transformation du sucre en alcool…
  • Hic numéro 2 : La mise en bouteille s’effectuant en Angleterre, cela provoque au printemps, alors que les températures plus douces réveillent les levures, des problèmes au niveau du bouchon qui ne résiste pas à la pression générée par la fin de la fermentation.
  • Hic numéro 3 : Le vin, issu de régions septentrionales, est marqué par une acidité importante.

Hic hic hic hourra !

Pour pallier ce triple problème, les marchands anglais introduisent alors une liqueur de sucre de canne avant la mise en bouteille, ce qui adoucit le produit, et mettent en place un muselage en chanvre (l’ancêtre du muselet) pour répondre aux problèmes de résistance à la pression dans la bouteille.

Ces deux innovations sont à la base de ce qui est aujourd’hui communément admis comme étant la « méthode champenoise », mais qui n’a pourtant aucun lien avec la légende du moine Dom Pérignon à qui est souvent attribuée cette innovation !

Que peut-on en apprendre ?

Paradoxalement, la contrainte peut stimuler la créativité. Très souvent, nous cherchons à innover dans le but d’atteindre un objectif précis, qu’il concerne la rentabilité, l’efficacité d’un processus ou encore la satisfaction de nos clients… Pourquoi ne pas changer de perspective en prenant le réflexe de lister l’ensemble des contraintes auxquelles nous faisons face, qu’elles soient bloquantes ou non, et d’en faire le point de départ de nos démarches d’innovation ? Nous pouvons même inventer ou imaginer des contraintes pour faire naître de nouvelles idées ! Innover nécessite une posture curieuse qui ne se limite pas à la simple atteinte de la cible initialement visée.

A l’origine du rosé

Il y a toujours eu des vins rosés, mais pas forcément tels que nous les connaissons aujourd’hui. Par exemple, François 1er raffolait des vins rouge d’Argenteuil, qui étaient les seuls vins disponibles pour le commun des mortels à l’exception des vins rouges réservés aux religieux pour l’eucharistie. Les rosés des temps modernes sont le fruit d’un besoin d’innovation lié à un parasite : le phylloxéra.

Nous sommes à la fin du 19ème siècle et l’ensemble du vignoble français se retrouve meurtri par ce parasite… Aucune région n’est épargnée, il faut tout replanter avec des cépages dotés de porte-greffes résistants. En Provence, pour retrouver au plus vite de jolis rendements, il est choisi de replanter des variétés réputées pour leurs volumes de fruits. Au moment de la vinification, un problème s’impose néanmoins : les cépages sont peu colorants. Comment faire ? Une solution apparait : saigner le vin en cours de macération pour réduire le volume de jus et permettre au reste d’être plus concentré en produits taniques et phénoliques.

Un problème, une solution ! Mais cette solution apporte une nouvelle question : que faire de ce vin rose clair soutiré ? Le vendre ! Ainsi naissent les rosés de Provence tels que nous les connaissons aujourd’hui, et dont les méthodes de vinification se sont affinées depuis.

Que peut-on en apprendre ?

Nous tenons là un bel exemple de sérendipité : quand on ne cherche pas, on trouve ! Si la découverte de ce vin rosé est inattendue, son utilisation elle, n’est pas le fruit du hasard. Elle n’a été possible que parce que les vignerons sont restés curieux de tout ce que leurs innovations pouvaient contenir de conséquences, prévues ou non. Nous l’avons vu, une contrainte initiale peut stimuler la créativité, mais gardons aussi en tête que la créativité peut elle-même déboucher sur des conséquences inattendues qui ont toutes un potentiel d’exploitation. Alors, allons au bout de chaque piste d’innovation !

Quand le vin s’inspire de la bière

Le processus de transformation du jus de raisin en vin est une étape cruciale dont dépend la qualité du produit fini. Comme évoqué plus tôt, la fermentation résulte de l’action de levures au contact du sucre, au-delà d’une certaine température. Maitriser l’art de la fermentation implique donc une maitrise de la température environnante. Si dans les régions froides la solution est connue depuis la création du feu, cela devient un vrai casse-tête dans les régions plus douces.

Le monde viticole prend alors exemple sur l’univers des brasseurs, qui ont les premiers développé des systèmes réfrigérants pour répondre à cette contrainte et ainsi mieux maitriser le processus de création de leurs bières. Cette innovation représentera un tournant majeur pour la production du vin, permettant à partir du début du 20ème siècle l’élaboration de produits de qualité dont les paramètres de fabrication sont de plus en plus maitrisés.

Que peut-on en apprendre ?

Innover n’est pas forcément révolutionner ! Cet exemple de pensée analogique dans l’univers du vin le démontre parfaitement. Steve Jobs disait d’ailleurs « creativity is just connecting things ». Pas de scrupules donc : s’approprier un concept qui existe déjà, en tirer matière à réflexion et y emprunter des éléments pour l’adapter à un contexte ou un domaine nouveau est une démarche d’innovation tout aussi valable qu’une invention nouvelle. L’innovation n’est donc pas la chasse gardée des créatifs, elle s’offre à tous les curieux capables de tisser des liens entre des objets et des sujets qui n’ont a priori pas de rapport. Tout le monde peut innover !

Et vous, qu’avez-vous envie de retenir de ces innovations ?


Une hybridée proposée par :
Antoine Vigier – Manager chez Bartle

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