L’impact de ChatGPT sur le cerveau humain

ChatGPT présente des capacités impressionnantes pour générer des réponses contextuelles. Quels peuvent être les impacts de l’utilisation de cette technologie sur notre cerveau ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes entretenus avec un neurophysiologiste*, Jean-Pierre Vignal.

Secteur

Services Financiers

Auteur

Bartle

Date de publication

29 août 2023

Temps de lecture

5 mins

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Sommaire de l’article
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Que sait-on aujourd’hui de l’impact de l’utilisation d’intelligence artificielle générative comme ChatGPT sur le cerveau ?

Jean-Pierre Vignal : Il est actuellement difficile de connaitre précisément l’impact de l’IA générative sur les fonctions cognitives et la plasticité cérébrale, car il n’existe pas encore d’études spécifiques à ce sujet en France. La réalisation d’études académiques nécessite entre 3 et 4 ans car le processus d’élaboration d’une étude est règlementé : les aspects éthiques doivent être validés dans des comités spécifiques et il faut respecter un certain nombre de normes. La conception de l’étude peut elle-même prendre plusieurs mois.

Quels seraient les effets potentiels de l’interaction avec des IA génératives sur le cerveau humain ?

JPV : En théorie, il y aura peu d’impacts physiologiques, c’est-à-dire aucune modification substantielle du fonctionnement de notre cerveau. Les compétences requises pour interagir avec cette technologie, telles que la formulation de questions et la lecture de réponses, sont déjà bien ancrées en nous.

Un apprentissage peut exister dans la façon dont nous formulons nos demandes et interprétons les réponses avec nos capacités actuelles. Il est probable que nous mobilisions des réseaux de neurones différents lors de nos interactions avec une IA, sans que cela n’entraine un changement majeur dans le fonctionnement de notre cerveau.

Les deux impacts possibles sont plutôt d’ordre psychologique et cognitif. L’impact psychologique pourrait être une perte d’estime de soi face à cette nouvelle technologie capable de réaliser nos tâches de manière plus efficace. Il pourrait y avoir un rejet très violent de cette technologie à cause de cela.

Concernant l’impact sur nos processus cognitifs, ces systèmes pourraient créer des conflits intérieurs de nos modes de pensées sur des réponses qui apparaissent comme « divines » car réputées « vraies » et « validées » par le système. Suis-je fou si je pense que la machine ne dit pas la vérité ? Heureusement, nous sommes encore loin d’être dans ce cas de figure.

« A priori, l’utilisation d’une IA générative ne modifiera pas nos capacités créatives » Jean-Pierre Vignal, neurophysiologiste

Y a-t-il des risques pour la santé mentale tels que l’anxiété ou la dépendance ?

JPV : Les effets spécifiques sont encore peu étudiés. L’utilisation d’IA dans son quotidien pourrait créer de l’anxiété ou des états dépressifs notamment si elle remet en cause le statut social de l’individu par l’automatisation de son travail. Quelle est ma valeur si un outil réalise mon travail de manière plus efficace ?

En matière de dépendance, il semble peu probable qu’un système comme ChatGPT induise une addiction. En effet, cette IA ne comporte pas de caractéristiques addictives intrinsèques. Elle ne propose ni système de récompense associé à son utilisation, ni possibilité de boucle de rétroaction répétitive. Cependant, certaines personnes pourraient se retrouver excessivement engagées dans l’utilisation de l’IA générative, peut-être par manque de confiance en leurs propres capacités.

L’utilisation de l’IA générative dans nos tâches quotidienne peut-elle affecter nos capacités d’innovation et de créativité ?

JPV : A priori, l’utilisation d’une IA générative ne modifiera pas nos capacités créatives. En particulier lorsqu’il s’agit de travaux de grande envergure, tels que ceux réalisés par de grands auteurs ou artistes.

La capacité de création humaine est souvent associée à des aspects disruptifs et à des éléments imprévisibles ou aléatoires qui émergent chez l’individu. L’IA générative, bien qu’elle puisse produire du contenu intéressant, est basée sur des modèles statistiques et des apprentissages préexistants. Elle peut manquer de cette spontanéité et de cette intuition créative propre à l’esprit humain.

Le cerveau devient-il paresseux avec l’utilisation de ces nouvelles technologies ?

JPV : C’est une question complexe qui suscite un débat dans la communauté scientifique. Les études actuelles, à ma connaissance, indiquent plutôt que notre cerveau adapte son fonctionnement. Nous sollicitons moins notre mémoire pour retenir des informations spécifiques comme les numéros de téléphone ou les adresses, mais nous nous appuyons davantage sur nos capacités cognitives pour trier et hiérarchiser une quantité d’informations toujours plus importante.

Cependant, il est légitime de s’interroger sur les conséquences à long terme. Pourrions-nous détériorer nos capacités de raisonnement et d’argumentation, qui sont intrinsèquement liées à notre aptitude à mémoriser des faits et des évènements ? C’est une question que la science devra continuer d’explorer à mesure que ces technologies évoluent et s’intègrent dans nos vies quotidiennes.

Existe-t-il des méthodes de neuroimagerie permettant de mesurer les changements neurologiques associés à l’interaction avec des IA génératives ?

JPV : Oui, tout à fait ! Deux méthodes couramment utilisées sont l’IRM fonctionnelle (IRMf) et l’électroencéphalographie (EEG).

  • L’IRMf surveille les variations du flux sanguin cérébral et de l’oxygénation lors de l’activité neuronale. Elle permet de détecter les zones du cerveau activées. Il faut cependant garder à l’esprit qu’elle donne une image statique de la pensée à un moment précis et manque de vision dynamique.
  • L’EEG mesure l’activité électrique du cerveau grâce à des électrodes positionnées sur le cuir chevelu. Elle peut fournir des mesures en temps réel des oscillations cérébrales et des potentiels évoqués, permettant de détecter les modifications de l’activité cérébrale. L’EEG est idéal pour l’étude des processus dynamiques de la pensée, bien que sa précision puisse être affectée par des interférences.

Ces techniques de neuroimagerie peuvent servir à examiner les impacts de l’interaction avec des IA génératives avec chacune leurs propres forces et faiblesses.

*La neurophysiologie est l’étude des fonctions du système nerveux, reposant sur tous les niveaux de description, du niveau moléculaire jusqu’au niveau le plus intégré des réseaux neuronaux. C’est une science pluridisciplinaire, au carrefour d’autres sciences biologiques et comportementales, notamment. » Source : Wikipédia.

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