Filières REP : un potentiel révélé par la loi AGEC ?

Si la notion de filières REP vous est probablement familière, c’est que celle-ci a eu, depuis quelques temps déjà, une actualité chargée. Malgré cette notoriété forte, le sujet n’est pas moins complexe. Nous vous proposons à travers cet article un éclairage détaillé et des convictions quant à leur mise en œuvre dans les organisations concernées.

Un décryptage proposé par Philippine Moiroud

Secteur

RSE

Auteur

Philippine Moiroud

Date de publication

23 septembre 2022

Temps de lecture

5 mins

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Filières REP - Réparation d
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Responsabilité élargie des producteurs… mais encore ?

REP, cela signifie « Responsabilité Élargie des Producteurs ». Ce principe de filière REP a émergé en France en 1975, via une mention dans le code de l’environnement (article L. 541-10), évoquant la possibilité de « faire obligation […] de contribuer à l’élimination des déchets ». Concrètement, cela contraint les entreprises qui opèrent dans ces filières à prendre part à l’élimination des déchets liés à leurs produits.

Concernant d’abord les emballages ménagers dès 1992, une douzaine d’autres filières ont ensuite été concernées : papiers, équipements électriques et électroniques (3E), jouets… La loi AGEC a, plus tard, contribué à l’essor et la transformation profonde liée aux filières REP, avec l’ambition de créer plus de 10 nouvelles filières d’ici 2025, l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires, la création de la Direction de Supervision des filières REP…

Ce dispositif applique le principe de « pollueur-payeur », responsabilisant les entreprises sur l’ensemble du cycle de vie du produit.

— Concrètement, il s’agit d’un transfert de responsabilité et des coûts de gestion des déchets, vers les producteurs.

Rappelons que, sur l’ensemble du cycle de vie d’un produit, la majorité de son empreinte carbone est représentée par sa production, qui s’élève par exemple à plus de 80% dans le cas d’une télévision (matières premières, approvisionnement, mise en forme et assemblage). C’est donc un levier majeur pour la réduction de l’empreinte des biens de consommation. Pas folle la REP.

Deux pistes pour respecter les obligations

Le respect des obligations réglementaires liées aux filières REP peut se faire à travers deux pistes.

La première, constituer un système individuel, ce qui signifie assurer soi-même les obligations légales. Ce système, agréé par les pouvoirs publics, se charge de collecter (sans frais) et traiter les déchets issus des produits. Cette option est la plus complexe et donc la moins utilisée.

Deuxième possibilité, recourir à un éco-organisme. C’est une structure à but non lucratif, agréée par les pouvoirs publics, à laquelle les adhérents versent une éco-contribution, réintégrée au prix de vente du produit. L’éco-organisme endosse la responsabilité des producteurs adhérents vis-à-vis de leurs obligations légales. Ils sont également chargés de « sensibiliser les producteurs à leur obligation de responsabilité élargie », notamment par le versement de primes si le produit remplit des critères de performance environnementale.

Il est à noter une spécificité concernant les marketplaces, car celles-ci doivent prouver que le producteur assume ses obligations. Cela signifie pouvoir mettre à disposition les informations d’identification du vendeur, les quantités de produits vendues via la marketplace, et s’assurer que le vendeur assure la reprise des produits en fin de vie.

La conformité à la REP, ça ne s’invente pas… et ça se prépare

Se conformer à la REP s’anticipe. Nous vous proposons quelques clés qui vous permettront d’identifier les impacts liés à ce dispositif. Nous distinguons 4 niveaux :

  • Faire évoluer ses processus et pratiques

Il peut s’agir de mettre en place l’éco-conception des produits – nécessitant la modélisation du cycle de vie produit (Analyse du Cycle de Vie), l’accompagnement des équipes et l’éventuel recrutement d’experts. Mais aussi définir un nouveau processus de gestion de la fin de vie des produits : processus de collecte lors de livraisons, point de collecte en magasin, stockage et processus de collecte par l’éco-organisme…

De nouveaux processus sont également à créer pour répondre aux exigences du dispositif : processus financier de déclaration, de paiement des contributions… Enfin, les exigences en lien avec les parties prenantes (fournisseurs, fabricants, transporteurs…) devront évoluer : contrats, cahier des charges, contrôles qualité…

  • Intégrer des coûts additionnels

Ils doivent être identifiés, mesurés puis répercutés au produit. La marge sera notamment impactée par l’intégration de l’éco-participation au prix du produit. Le reporting financier devra évoluer en conséquence.

  • Collecter et suivre des données spécifiques

Il convient d’identifier les données à collecter et déclarer, et leur disponibilité et qualité (en interne voire avec le producteur). Ce reporting étant à destination externe en lien avec la conformité au dispositif, la qualité de la donnée est essentielle. De façon plus générale, les Systèmes d’Information auront à évoluer dans leur globalité, notamment le référentiel produit intégrant de nouvelles données référentielles, et l’interface avec les systèmes vendeur pour déclarer les informations en lien avec le dispositif.

  • Coordonner les processus et assurer le lien avec les différentes parties prenantes

Comme en témoigne cette énumération d’implications en lien avec la REP, on ne peut imaginer que l’impact soit nul sur les ressources humaines. En phase de build d’abord, pour se rendre conforme avec le dispositif : mise en œuvre des évolutions SI, contact et accompagnement des partenaires, vendeurs… Puis dans la phase de run, pour piloter le projet, maintenir le lien avec les interlocuteurs, assurer le suivi des indicateurs, le lien avec des pairs et les autorités législatives… En anticipation des évolutions législatives, il peut être par ailleurs pertinent de mettre en place un système de veille juridique.

La REP, une formidable opportunité de coopération

Comme pour la mise en place d’autres législations nouvelles (Sapin 2, RGPD…), certains ajustements peuvent se faire au fur et à mesure. L’anticipation de la mise en place permet comprendre et éventuellement ajuster les obligations afin d’être en mesure de les respecter. Cela implique donc une capacité à travailler « en mode projet » et surtout avec agilité.

Si l’exemple des filières REP est pertinent à traiter, c’est notamment car c’est un dispositif qui permet d’ancrer un principe nouveau que l’on pourrait appeler la dissémination de la responsabilité. Pour des sujets d’ampleur et des enjeux tels que l’impact environnemental des biens de consommation, les contrôles a posteriori réalisés suite à la commercialisation sont à la fois complexes à mettre en œuvre, difficilement fiables et surtout incapables de faire évoluer profondément le système.

Ce sur quoi la REP a mis le doigt, c’est la force de la coopération entre les parties prenantes. Et c’est assez logique : rendez chacun responsable de ce que fait son voisin et votre produit fini sera bien plus performant, ici en termes d’environnement, que si vous ne faites que contrôler en bout de chaîne la qualité du produit.

Ce type de fonctionnement nécessite tout de même une supervision, et c’est ce qui a été mis en place par la loi AGEC qui a créé la Direction de la Supervision des filières REP, gérée par l’ADEME. La génération de boucles et le fonctionnement en coopération au sein de la chaîne de valeur est un principe pertinent et efficace pour gérer des enjeux aussi globaux que l’enjeu environnemental actuel. Merci la REP !


Un décryptage proposé par :
Philippine Moiroud – Consultante Senior chez Bartle

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