Innovation : pourquoi les entreprises doivent repartir des actifs stratégiques déjà créés

Depuis l’avènement du Design Thinking par Stanford dans les années 80, les entreprises s’inscrivent dans un mouvement « client-centric » qui (re)met les clients au cœur de leurs préoccupations et de leurs stratégies. Des clients qui sont de plus en plus exigeants et difficiles à suivre tant leurs usages changent rapidement.

Dans un contexte tendu et incertain pour les entreprises en termes de ressources financières et humaines, il est intéressant d’investir dans une dynamique d’innovation endogène qui repart des actifs stratégiques que l’entreprise a pu créer dans le cadre de son métier : ce qu’on pourrait appeler l’asset-based innovation.

Une approche qui a l’avantage de capitaliser sur l’existant, de valoriser les équipes internes et d’ouvrir de nouveaux relais de croissance. Les exemples de success stories d’asset-based innovation sont nombreux, en voici 4 au-delà de celui bien connu d’Amazon Web Services.

Une tribune écrite par Myriam Moussan

Secteur

Innovation

Auteur

Myriam Moussan

Date de publication

10 mars 2023

Temps de lecture

5 mins

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Innovation
Sommaire de l’article

L’innovation pour ses propres besoins, l’exemple de Slack

Tout le monde connait le logiciel de communication et de collaboration en ligne, Slack, mais moins connaissent l’histoire de sa création. En 2011, Stewart Butterfield et Cal Henderson créent Tiny Speck, pour développer “Glitch”, un jeu en ligne massivement multijoueur basé sur un navigateur (un des premier MMO).

A l’époque, il n’existait pas d’outils de collaboration en ligne et l’équipe de Tiny Speck en a développé un pour répondre à leurs propres besoins, ceux d’une petite équipe de développeurs basés dans différentes villes.

Le CEO de Slack, Stewart Butterfield, raconte cette histoire en disant que « le meilleur moyen de concevoir un logiciel est de ne pas le faire de manière consciente. A chaque fois qu’il y avait un problème, nous le réglions le plus vite possible, à chaque fois qu’il y avait une opportunité de l’améliorer, nous le faisions rapidement avant de revenir au développement de notre jeu. Nous n’y avons pas mis d’ego, nous n’avons pas spéculé sur les besoins des utilisateurs, nous nous basions sur nos besoins à nous. »

Glitch n’a jamais décollé mais au moment de développer un nouveau jeu en ligne, l’équipe avait déjà un prototype de Slack. En le partageant à des amis, ils se sont rendu compte qu’il répondait à un vrai besoin. En 2022, plus de 65% des entreprises Fortune 100 utilisent Slack pour leur communication d’entreprise.

L’innovation basée sur les actifs que l’entreprise a créé volontairement ou involontairement, l’exemple de 3M

On parle souvent de la création des post-it par l’entreprise 3M comme un exemple de sérendipité (aptitude à faire par hasard une découverte inattendue et à en saisir l’utilité) mais en réalité, 3M n’a pas saisi tout de suite l’utilité de cette colle qui ne « collait pas ».

Il a fallu attendre 5 ans après son développement pour qu’un autre scientifique de chez 3M, Arthur Fry, l’utilise pour un besoin tout personnel. Arthur Fry chantait dans une chorale et il utilisait des morceaux de papier pour en faire des marque-pages mais ceux-ci tombaient systématiquement. En se rappelant de la colle développée par Spence Silver en 1972, il l’utilise pour transformer ses bouts de papier en marques pages repositionnables et ça fonctionne. Une fois le produit développé, il est distribué en interne et a un tel engouement qu’il sera commercialisé à partir de 1980 avec le succès que l’on connaît.

« Ceux qui investissent pour devenir riches se trompent. Ceux qui investissent pour aider les autres vont probablement réussir. » Arthur Fry.

Résoudre un problème qu’on a soi-même rencontré est d’ailleurs une accroche éculée des pitch de start-up mais qui porte intrinsèquement un sens dont nous avons tous besoin en ce moment. La solution envisagée à ce problème n’est pas toujours suffisamment viable et désirable mais le besoin en soi est un point d’attache puissant permettant de pivoter plus facilement sur la solution.

Transformation d’un actif de moyen en un actif stratégique, l’exemple de Groupon

Andrew Mason voulait construire un dôme recouvrant la ville de Chicago pour la protéger des intempéries en hiver, projet qui nécessitait 10 milliards de dollars d’investissement. Pour les réunir, il lance en novembre 2007, ThePoint.org, un site de crowdfunding pour rassembler les fonds nécessaires. « Seuls » 234 395 dollars ont été rassemblés sur les 10 milliards mais la dynamique était là. Il a décidé de faire pivoter son site en un site d’achat collectif de services et d’expériences : Groupon. En 2019, 35 millions d’utilisateurs à travers le monde achètent des expériences locales sur Groupon.

On peut avoir tendance à catégoriser les activités de l’entreprise entre activités métiers et activités « support » mais appréhender toutes ses activités comme des actifs stratégiques pourrait peut-être mener à des choix différents et débloquer un potentiel de développement inattendu.

Transformation d’une pépite en un nouveau business, l’exemple de Dassault system

En 1977, un groupe d’ingénieurs des Avions Marcel Dassault développent un logiciel de conception 3D assistée pour faciliter le processus de construction d’un avion. Le logiciel, baptisé CATI, attire l’attention de Marcel Dassault, qui crée en 1981 une société pour explorer le potentiel de ce logiciel de conception assistée par ordinateur, rebaptisé CATIA : Dassault System.

Bien au-delà de la conception d’avions, Dassault System est devenu un éditeur de logiciel spécialisé dans la conception 3D et dans le PLM (product lifecycle management), dont la  raison d’être est d’« apporter aux entreprises et aux personnes des univers 3DEXPERIENCE leur permettant d’imaginer des innovations durables, capables d’harmoniser produit, nature et vie ».

Identifier ces pépites nécessite de cultiver un lien et un intérêt pour le terrain des opérations, terreau privilégié d’émergence de ces pépites. Une fois identifiées, il faut les protéger suffisamment pour leur permettre de se développer à leur plein potentiel alors qu’elles sont adjacentes au cœur de métier de l’entreprise et ne pèsent pas encore suffisamment au début pour influer sur la gouvernance et les décisions stratégiques de l’entreprise.

Innover en repartant des actifs déjà créés est une bonne occasion d’insuffler une culture de la création d’actifs. Il ne faut parfois pas grand-chose à une solution pour qu’elle devienne un actif, encore faut-il être dans cette logique. C’est l’état d’esprit que prône très bien l’innovation jugaad : cultiver l’ingéniosité, transformer les contraintes en opportunités, valoriser nos initiatives locales et en faire des actifs pour l’entreprise et au-delà.


Une tribune écrite par :
Myriam Moussan – Senior Manager chez Bartle

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