IA générative : récit (fictif) d’une révolution de la relation client
Alors que de nombreuses organisations se penchent concrètement sur de premiers usages appliqués de l’IA générative dans le monde de la relation client, comment ces technologies pourraient-elles transformer les métiers de l’entreprise ? Quels impacts sur les interactions vécues par les clients et les codes de l’expérience client tels que nous les connaissons aujourd’hui ?
Tentative de réponse avec cette « expérience fiction » proposée par Julien Vieux-Vincent, qui nous projette quelques années dans le futur.
Expérience Client
Julien Vieux-Vincent
22 novembre 2023
7 mins
Au sein de la société Mirydia (inventée pour l’occasion), spécialisée dans la conception et la fabrication de meubles, le chemin parcouru ces dernières années est impressionnant, avec le développement de nouveaux services ayant permis de se rapprocher sensiblement du consommateur final. Aujourd’hui, les scores de satisfaction sont au plus haut, le chiffre d’affaires affiche une solide croissance et l’équipe de R&D n’a jamais semblé aussi créative. Retour sur ces années de « révolution et de rupture », comme les qualifie Amélie, Directrice Expérience Client au sein de Mirydia, que nous avons rencontrée.
On a l’habitude de présenter la dernière révolution de la relation client avec l’avènement de l’IA générative, partagez-vous ce point de départ ?
Mirydia : Oui, toutes les entreprises se sont retrouvées confrontées à une nouvelle technologie, en apparence très mature, très performante, et aux implications concrètes en termes de relation client. Les réflexions autour de la collecte et de l’automatisation des informations clients existaient : l’IA générative a donné l’impression que d’un coup, toutes les promesses d’utilisation massive des données et de bot conversationnel allaient prendre vie.
Au début, de nombreuses entreprises n’ont pas toujours su par quel angle aborder l’intégration de l’IA générative. Comment cela s’est-il passé chez Mirydia ?
Mirydia : Quand les premiers logiciels d’IA conversationnelle sont arrivés, nous étions tous bluffés. C’était gratuit, accessible, rapide, ça donnait le sentiment d’avoir réponse à tout. Les clients se sont mis à ériger ces « bots » comme de nouveaux standards. Il a fallu comprendre les cas d’usages possibles. Globalement, il y a eu rapidement un consensus en matière de fonctionnalités où l’intelligence artificielle apporterait un vrai plus, notamment dans la capacité à apporter des réponses automatisées aux clients, ce qui globalement était déjà la tendance depuis plus d’une dizaine d’années.
Un nouveau paradigme de productivité semblait s’ouvrir avec des capacités accrues pour préparer le travail sur des volumes d’informations toujours plus massifs. Des opportunités plus ciblées ont également été identifiées, par exemple pour un meilleur traitement de notre clientèle internationale et des interactions multilingues singulièrement simplifiées. Comme nous étions dans un secteur plus en retrait sur le plan technologique, nous avons pu prendre davantage le temps – toutes proportions gardées car les choses évoluaient très vite – et rencontrer quelques acteurs en pointe pour qu’ils nous partagent leur sentiment.
Dans un premier temps, nous avons décidé de nous équiper en interne, afin d’augmenter nos conseillers par l’intelligence artificielle.
Pourquoi ce choix ? Pourquoi ne pas avoir directement mis la solution entre les mains de vos clients ?
Mirydia : Structurellement, nos bases de connaissances n’étaient pas de grande qualité : pas à jour, incomplètes. Nos conseillers avaient une connaissance remarquable de nos produits et services, mais il faut reconnaître qu’avec un nombre croissant de références, d’offres disponibles, il était très difficile d’avoir une information formalisée et homogène. C’est d’ailleurs ce qui expliquait que nos délais de résolution étaient plutôt longs.
En mettant des assistants conversationnels en support de nos conseillers, nous avons progressivement identifié nos lacunes documentaires et amélioré le modèle IA sans mettre nos clients en situation de bêtatesteurs. Le téléphone restait très majoritaire dans notre flux d’interactions, et l’envie de sécuriser une expérience de bon niveau l’a emporté sur l’enthousiasme de la nouveauté.
Mais cela n’a pas empêché la technologie d’évoluer très vite, et de voir de nouveaux acteurs saisir l’opportunité d’intermédier la relation client avec des agents conversationnels « à tout faire »…
Mirydia : C’était en effet une période de grande incertitude. Non seulement les grandes sociétés technologiques lançaient chacune leur propre modèle d’IA générative, mais des acteurs s’appuyant sur ces technologies ont rapidement compris la possibilité de capter une partie du trafic relationnel, sans rien proposer de plus qu’une interface intuitive, en s’appuyant des données disponibles.
Les concepts de « robots concierges » promettaient notamment de faciliter le traitement des demandes et des réclamations quels que soient le produit ou la marque. Cela nous a réservé quelques mauvaises surprises car les consommateurs nous ont associés à ces robots somme toute assez approximatifs, car s’appuyant sur des données disparates, parfois fausses, sans pouvoir en faire le tri.
Pouvez-vous décrire en quelques mots l’expérience client au sein de Mirydia aujourd’hui ? Comment vos clients en parlent-ils ?
Mirydia : Le client, sans surprise, s’est davantage digitalisé, y compris dans notre secteur, et il s’attend à disposer d’une réponse à ses questions quand il le veut. Je pense pouvoir dire que Mirydia propose aujourd’hui une expérience dans les standards attendus, sans doute même meilleure que nos concurrents directs. Nous arrivons à traiter aujourd’hui près de trois quarts des demandes par l’intelligence artificielle, y compris sur des questions relativement complexes comme la contestation de facture.
Globalement, le flux de demandes que nous captons, tous modes confondus – humain ou robot –, a augmenté : nous dialoguons plus régulièrement avec nos clients car ils savent qu’ils auront une réponse fiable et rapide. C’est évidemment une aubaine pour mieux les comprendre et tisser des liens, même à travers l’intelligence artificielle. Enfin, nous sommes, dans notre domaine, parmi les pionniers en termes d’IA générative visuelle et vidéo, ce qui permet à nos clients de véritablement se projeter avec nos produits : par rapport aux configurateurs classiques, nous avons amélioré le tunnel de conversation, conforté la décision d’achat et réduit les retours de commandes internet.
Au-delà de la révolution technologique, comment ces dernières années ont-elles transformé les métiers de la relation client chez Mirydia ?
Mirydia : Ces avancées technologiques ont imposé de repenser et de valoriser le travail des conseillers. Aujourd’hui, avoir le client par message, par téléphone ou par chat, c’est un vrai travail de conseil et d’accompagnement. On prend le temps, les interactions sont exigeantes mais plus apaisées aussi. Nous n’avons pas détérioré le socle commun de savoir Mirydia : nous souhaitions que nos conseillers conservent un esprit critique, maîtrisent les éléments clés de notre offre.
Et en utilisant nos solutions intégrées, l’expérience de chacun contribue directement à l’amélioration de la relation client et des conditions de travail. Au global, les postes au sein des équipes de relation client sont bien mieux perçus en interne, ce qui permet de pallier les départs, même si ceux-ci sont également moins nombreux.
Vous mettez en avant la satisfaction client et la satisfaction collaborateur, comment les mesurez-vous aujourd’hui ?
Mirydia : Par provocation, j’aime dire qu’on a cessé de mesurer la satisfaction, mais qu’on la constate directement avec ce que nous disent les clients et nos collaborateurs, et notre capacité de comprendre instantanément des verbatims et d’en tirer des conclusions sur différentes thématiques : qualité, prix, service, etc. Mais ce serait exagéré d’acter la fin des indicateurs traditionnels, comme le NPS. Il rassure en interne, notamment au sein de la direction générale qui se l’est bien appropriée. Toutefois, on ne récompense plus nos équipes uniquement sur des résultats bruts, même si là aussi, les débats furent compliqués.
Quelles sont désormais les perspectives pour Mirydia ? Quelles prochaines ruptures anticipez-vous ?
Mirydia : Si ces années de mises en place des technologies d’IA marquent clairement une rupture, je constate que les intentions étaient déjà là depuis de nombreuses années : traiter des volumes importants de données pour avoir de vrais insights clients et améliorer nos produits, proposer des agents conversationnels qui assurent une relation permanente de qualité, soulager nos conseillers et mieux traiter les clients. La technologie n’a rien inventé, mais a donné de nouveaux outils pour concevoir des solutions qui fonctionnent. De plus, l’excitation autour de l’IA générative a clairement bousculé les habitudes de nos directions, qui ont dû se positionner plus rapidement qu’à l’accoutumée.
Concernant nos pistes de travail en cours, la conception autonome de parcours client et la recherche d’une expérience ultra-personnalisée sont toujours sur la table. Nous réfléchissons à une nouvelle manière d’intégrer les agents conversationnels dans les parcours, car les boîtes de dialogue ont semble-t-il fait leur temps, et nos clients attendent quelque chose d’encore plus fluide.
Épilogue
Cette interview fictive sera sans doute bien vite victime de l’épreuve du temps. Elle cherche avant tout à mettre en lumière quelques-uns des nombreux dilemmes et débats nourris au sein des organisations aujourd’hui avec l’irruption des modèles d’IA générative : va-t-on vers une révolution de la relation client ? Comment intégrer de nouvelles technologies dans les parcours et les canaux d’interactions ? De nouveaux acteurs pourraient-ils se positionner dans la chaîne de valeur client ? Quelles évolutions prévoir pour les organisations et les métiers de la relation client ? À quels nouveaux standards les marques doivent-elles dès aujourd’hui se préparer pour ne pas être rapidement dépassées ?
Une interview fiction proposée par :
Julien Vieux-Vincent – Directeur chez Bartle
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