Un retour progressif des trains de nuit en Europe ?

Les trains de nuit font leur grand retour en Europe.

Une tribune écrite par Louis-Antoine Calvy en collaboration avec Michael Lacroix (Thalys)

Sujets
#Slow-Travel
#Trainsdenuit
#transport
Secteur

Transport

Auteur

Louis-Antoine Calvy

Date de publication

24 mai 2022

Temps de lecture

3 mins

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Trains de nuit

Aller à Vienne, Berlin ou Prague pour 29,90€, 49€ et 60€? C’est bientôt possible et ce n’est pas Ryanair qui le propose !

Les trains de nuit font leur grand retour en Europe, poussés par « La montée en puissance de la dimension écologique » selon Alain Krakovitch, directeur de Voyages SNCF.

 

Sommaire de l’article

À qui devons-nous le retour des trains de nuit en Europe ?

Le pionnier de cette nouvelle mine d’or vient du Far East : Andreas Matthä, directeur de l’Österreichischen Bundesbahnen (ÖBB) veut d’ici 2028 voir « un réseau européen du train de nuit, de Berlin à Paris, de Stokholm à Rome ».

Michael Lacroix qui totalise 15 ans d’expérience dans le secteur ferroviaire, nous partage son analyse. Michael a d’abord travaillé au sein du groupe SNCF puis au service de Thalys, à Bruxelles. Le train ne s’arrête pas à sa vie professionnelle. Issu d’une famille de cheminots, il est également membre de l’association « Once Upon a Train » : la OUAT. C’est une association qui milite pour le développement du « Slow-Travel », concept qui consiste à considérer que le trajet fait déjà partie de la destination, et qui se matérialise notamment par le retour en grâce des trains de nuit.  

 

Cette offre, presque un art de vivre, proposait encore une vingtaine de liaisons dans les années 1990

La France et les trains de nuit ?

Cette offre, presque un art de vivre, proposait encore une vingtaine de liaisons dans les années 1990, et ne comportaient plus que deux lignes en France il y a trois ans. « Cette période de rétractation de l’offre correspond à un investissement massif des Pouvoirs Publics dans la Grande Vitesse (en train ou en avion), qui nécessite bien souvent en Europe des lignes et infrastructures dédiées. » nous explique Michael. Ces investissements se font au détriment des lignes « classiques », dont l’offre est peu à peu dégradée, perturbée, réduite, entrainant alors une érosion inéluctable de la demande.

Oui mais voilà, la logique du toujours plus loin, toujours plus haut toujours plus fort, s’applique aux Jeux Olympiques, beaucoup moins à une économie mondialisée de 7,8 milliards d’individus, dans un monde fini, aux ressources limitées.

Cette découverte ne date certainement pas d’hier (Rapport Meadows). En revanche, la démocratisation du rejet d’une société de consommation à outrance, semble bien être une tendance croissante. Tant et si bien que les politiques publiques, bien qu’en cherchant à ménager un système croissantiste, proposent certaines limites telles que la restrictions des vols commerciaux domestiques (sauf pour les équipes de foot). Une aubaine pour le train donc, qui redéploye son offre, notamment les trains de nuit.

— L’Autriche ne dispose pas d’un territoire propice au développement de la grande vitesse

Pourquoi l’Autriche peut-elle prétendre exploiter le plus grand réseau de trains de nuit en Europe d’ici 2028 ?

Ricardo et ses avantages comparatifs nous éclairent considérablement à ce sujet. L’Autriche ne dispose pas d’un territoire propice au développement de la grande vitesse : géographie montagneuse et superficie limitée, rendent les investissements pharaoniques et peu rentables. Seconde raison : les Autrichiens sont malins… et opportunistes ! Lorsque leurs voisins, la Deutsche Bahn (DB), se sont séparés de leur matériel roulant de nuit, l’ÖBB a acquis les rames pour un prix modique.

À partir de cet actif, ils ont pu développer un modèle économique rentable pour le train de nuit. Les paramètres d’une telle offre implique une fréquence élevée et un grand volume de destinations, où les prix d’appels sur les lignes très fréquentés peuvent être compensés par des prix plus élevés sur le reste du réseau. Le cercle est donc vertueux : plus le réseau est étendu, plus le matériel roulant est rénové.

La sous-traitance de l’exploitation aux compagnies nationales, permet également à ÖBB de diminuer ses coûts. La Société Nationale des Chemins de fer Belges (SNCB) opère par exemple la traction des trains de la frontière allemande jusqu’à Bruxelles. Idem pour la Nederlandse Spoorwegen (NS) aux Pays-Bas. La demande potentielle est considérable, si elle capitalise sur le changement culturel à l’œuvre chez les nouvelles générations, et sur le report de l’usage de l’aéronautique. Une limite existe : elle est infrastructurelle et matérielle : les rames de trains de nuit ne sont plus produites en Europe. Dans toute l’Europe ? Non, à Graz, une petite ville d’irréductibles résistants à la grande vitesse, Siemens produit encore et toujours de telles rames…


Une tribune écrite par :
Louis-Antoine Calvy – Consultant senior chez Bartle

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