Le métavers est-il encore l’avenir de l’immobilier ?

L’immobilier fait face aujourd’hui à des enjeux structurants et structurels pour apporter des réponses urgentes à la ville de demain. Dans ce contexte, les actifs immobiliers digitaux dont l’émergence a été présentée comme une révolution constituent-ils toujours un avenir pour le secteur ?

Nous avons rencontré Antoine Vigier, senior manager chez Bartle, pour faire le point sur ce phénomène qui s’est effacé aussi vite qu’il était devenu incontournable.

Secteur

Immobilier

Auteur

Antoine Vigier

Date de publication

15 novembre 2023

Temps de lecture

4 mins

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métavers

En quoi le métavers était-il une promesse ?

AV : Le métavers était une promesse en raison des atouts d’usages potentiels qu’il promettait de fournir dans deux domaines principaux. D’abord, il offrait des promesses d’interactions sociales améliorées, via le concept de « connectivité humaine » et en réponse au développement récent du télétravail. Ensuite, sur le plan économique concernant l’économie virtuelle par la création d’un véritable parc immobilier digital. D’autres actifs secondaires tels que le divertissement et la culture constituaient des cibles de développement potentiel, mais d’un moindre niveau. 

Quels sont les freins du métavers aujourd’hui ?

AV : Comme tout produit, le métavers est confronté à la réalité du marché. Force est de constater que l’adoption de ce type d’univers virtuel par les utilisateurs relève aujourd’hui plutôt d’un marché de niche que d’une adoption par tous. Les expériences proposées dans le métavers ne sont pas assez innovantes pour convaincre le commun des mortels. Les modalités d’acquisition de « terrains immobiliers » dans le métavers sont complexes, principalement par cryptomonnaies dont la volatilité est importante… Quand le sujet n’est tout simplement rebutant et trop éloigné des usages historiques.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

AV : C’est un véritable krach auquel nous assistons ! Pour l’illustrer, nous pouvons donner l’exemple de Reality Labs la filiale métavers de Meta qui a perdu près de 43 milliards de dollars depuis sa création en 2019, malgré une année 2021 de tous les records qui laissait présager un grand avenir pour cette innovation. Mais le marché n’a pas répondu présent à l’exception de spéculateurs plus ou moins avertis venus accumuler fortunes ou banqueroute en quelques clics. Aujourd’hui, la bulle créée a explosé aussi brutalement qu’elle n’a été générée, les prix de l’immobilier digital continuent de s’effondrer de près de 60 % sur l’année 2023 sur les principales plateformes que sont Sandbox et Decentraland.

Pourquoi une telle situation ?

AV : Je suis convaincu qu’outre les freins d’acquisition de compétences technologiques qui effraient les investisseurs, le modèle d’achat via des cryptomonnaies n’était pas le bon. Le grand public n’a pas encore suffisamment confiance dans ces monnaies, et leur acquisition est jugée nébuleuse par beaucoup… L’Homme s’adapte volontiers aux nombreuses évolutions qui touchent notre époque, mais uniquement au profit de notre productivité, dans une optique de facilité. Le métavers n’apporte pas un avantage suffisamment significatif sur ce volet, il est donc « rejeté ».

Le frein du développement du métavers n’est-il pas aussi lié à la situation économique actuelle ?

AV : Aux situations économique et écologique ! Les deux vont et ne peuvent aller que de pair aujourd’hui. L’immobilier réel, notamment résidentiel, est confronté à une situation économique délicate avec des coûts de construction et de rénovation qui explosent du fait d’une inflation jamais vue depuis le milieu des années 80. Le pouvoir d’achat se retrouve quant à lui sabré par des taux d’intérêt que nous n’avions plus connus depuis le début des années 2010.

Économiquement, il est déjà délicat pour les primo-accédants de répondre à leurs besoins primaires, alors envisager investir dans l’immobilier virtuel n’est plus une option prioritaire ! Les frais de fonctionnement du métavers ne sont pas neutres non plus pour des actifs qui ne seront d’aucun usage à l’exception d’une éventuelle plus-value spéculative… Écologiquement, là non plus le jeu n’en vaut pas la chandelle, la spéculation n’étant plus vue comme toujours positive à l’heure où les investissements doivent verdir pour préserver l’avenir de notre planète.

En conclusion, le métavers a-t- il encore un avenir ?

AV : Comme le disait Mandela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Il y a beaucoup à apprendre de cette situation. Si prouesse technologique il y a, une large part des modalités d’usage est à revoir. En se concentrant sur l’interconnectivité entre le virtuel et le réel, il est tout à fait possible de faire du métavers une technologie de soutien à l’économie réelle tout en constituant une réponse à la décarbonation de certains usages (virtualisation des échanges, accès immersif à des espaces géographiquement éloignés depuis son salon…).

En ce qui concerne l’immobilier virtuel, les promesses ne sont pas tenues. Nombre d’entreprises avaient fait l’acquisition de terrains virtuels « pour voir » et y être présentes dans une logique de pionniers, sans forcément avoir d’idées très précises de développement. Des « propriétaires » en ont acheté d’autres à prix d’or surtout par opportuniste spéculatif… Tout cela en fait un modèle un peu trop friable et sans raison d’être solide pour que le modèle perdure.

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