L’investissement à impact, un modèle pour l’investissement responsable ?

Le monde de l’investissement, qui a longtemps reposé sur l’optimisation du couple rendement-risque, se cherche une nouvelle identité sous le prisme de l’impact. La finance à impact émerge comme un pan majeur de la finance durable, cherchant à concilier performance financière, risque mesuré et impact positif social et/ou environnemental mesurable.

Un éclairage proposé par Garance Soavi, Valentin Villa et Andry Ratsimba-Rajohn.

Secteur

Services Financiers

Auteur

Garance Soavi, Valentin Villa, Andry Ratsimba-Rajohn

Date de publication

15 février 2024

Temps de lecture

6 mins

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Investissement à impact

Quand l’investissement passe en 3 dimensions

Historiquement, les modèles de construction des fonds d’investissements reposaient principalement sur deux dimensions : la maximisation de la rentabilité et la minimisation du risque. Aujourd’hui, c’est une troisième dimension qui entre en jeu : l’impact.

Selon le GIIN (Global Impact Investing Network), la finance à impact se caractérise par son « intention de générer un retour positif, ayant un impact social et environnemental mesurable (par exemple : limiter le réchauffement climatique, réduire les inégalités sociales, donner accès à l’éducation au plus grand nombre), tout en assurant un rendement financier ».

Elle peut se faire à travers l’investissement, dans des entreprises souvent non cotées, des projets et des véhicules financiers, au travers de différentes classes d’actifs : actions, obligations vertes, sociales ou durables, dans le private equity ou dans les actifs réels.

En 2022, l’investissement à impact a atteint 12 milliards d’euros d’actifs sous gestion en France et 715 milliards à l’échelle mondiale, soit une hausse de 50% par an en moyenne depuis le début des années 2010, illustrant sa croissance rapide.

Cette tendance s’inscrit dans un contexte global où les fonds d’investissement responsables bénéficiant du label ISR ont totalisé 773 milliards d’euros et les fonds catégorisés Art.9 SFDR (catégorisation des fonds supposés les plus durables selon la réglementation) ont atteint 361 milliards d’euros la même année.

Investissement Socialement Responsable et Investissement à Impact : qui inspire l’autre ?

La finance à impact se démarque de l’Investissement Socialement Responsable (ISR). L’ISR, investissant principalement dans les actions cotées et valorisant par une analyse extra-financière ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) les entreprises les plus responsables, représente plus de 25 000 milliards de dollars des encours mondiaux, mais sa portée diffère considérablement. L’ISR se concentre sur la réduction des externalités négatives, tandis que la finance à impact vise explicitement un impact positif.

Les conditions d’accessibilité des épargnants et investisseurs aux fonds ISR et fonds d’investissement à impact sont sensiblement différentes : les fonds à impact sont généralement « fermés, » limitant la période d’entrée et de sortie des investisseurs, et les montants minimums d’investissements sont élevés, alors que les fonds ISR sont majoritairement « ouverts » avec des seuils d’investissement plus faibles.

La montée en puissance de la finance à impact témoigne d’une structuration profonde du marché de l’investissement durable et responsable, ainsi que de la démocratisation de l’impact.

Critères et objectifs des fonds à impact

L’investissement à impact est de plus en plus prisé par les sociétés de gestion. En effet, il concilie la volonté croissante des investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, d’apporter du sens et d’avoir un impact positif. Or, pour être caractérisé comme un fonds à impact, trois exigences principales doivent être respectées lors de sa stratégie d’investissement selon France Invest et le Forum pour l’Investissement Responsable :

  • L’intentionnalité : le fonds doit avoir vocation à générer un impact social et/ou environnemental positif, matérialisée par la raison d’être du fonds, notamment en lien avec ses valeurs et ses objectifs visés dans ses prises de participation.
  • L’additionnalité : l’investissement doit contribuer à l’impact positif du projet ou de l’entreprise financé. Elle matérialise l’intentionnalité.
  • La mesure : l’évaluation de l’impact positif de l’investissement peut se faire via des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs, que la société de gestion va suivre tout au long de son horizon d’investissement. Elle est essentielle pour que l’investisseur puisse piloter « à vue » sa stratégie d’investissement à impact.

Pour comprendre l’impact d’un fonds d’investissement, il faut se pencher sur les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU qui sont utilisés par la finance à impact pour cadrer les objectifs d’un fonds, et qui servent à s’assurer que les entreprises et projets financés génèrent bien un impact environnemental et/ou social positif.

L’approche de l’impact est totale, où les piliers de l’ESG sont intrinsèquement liés et intégrés dans les objectifs des fonds pour allier performance économique et impact sur le long terme. Historiquement, les fonds d’investissement à impact se sont concentrés sur le pilier Social de l’ESG. La culture du Social et Solidaire est ainsi ancrée, contrairement à l’ISR qui a tendance à sous-pondérer ce pilier. Ainsi, les 3 ODD les plus ciblés en 2023 (GIIN) par les investisseurs dans leur stratégie d’investissement à impact sont :

  • Travail décent et croissance économique
  • Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Egalité entre les sexes

La mesure de l’impact : un chantier complexe mais incontournable

De ces objectifs découle ainsi la nécessité de mesurer de manière quantitative ou qualitative leur impact. Or, de nombreux obstacles empêchent d’avoir une mesure d’impact standardisée d’un point de vue quantitatif, du fait du manque d’harmonisation des indicateurs utilisés pour mesurer les impacts, étant par nature très spécifiques à la nature du projet financé. Ainsi, il n’existe toujours pas à l’heure actuelle de méthodologie commune, claire et reconnue sur la mesure d’impact.

Certaines sociétés de gestion ont donc été amenées à développer leurs propres méthodes de mesure et de suivi des impacts positifs de leurs participations (pouvant être des indicateurs ODD), comme par exemple : 

Cette opacité méthodologique impose également d’interpréter la mesure d’impact au regard d’indicateurs plus qualitatifs, comme la thèse d’investissement.

Le rôle de la confiance dans l’impact

De la création d’un fonds à impact à sa distribution, en passant par le sourcing des projets et les levées de fonds, la confiance en l’intentionnalité du fonds est cruciale. En effet, un fonds à impact ne peut être créé et vivre s’il ne génère pas de la confiance en sa thèse d’investissement auprès des entrepreneurs, investisseurs, et éventuels partenaires.

Pour qu’un fonds à impact réussisse, il doit démontrer une intention authentique et offrir des preuves tangibles de l’impact positif généré. Les entrepreneurs, investisseurs, épargnants et partenaires potentiels seront plus enclins à s’associer à un fonds dont ils ont confiance en la réalisation de sa mission.

Conclusion : vers l’impact et au-delà

La finance à impact est sans aucun doute un modèle d’investissement responsable puissant dans la mobilisation des flux financiers vers des activités durables au véritable service de l’économie réelle et de la société. Sous des conditions de transparence et de preuves dans la mesure de l’impact, elle permet aux investisseurs et aux épargnants d’avoir une approche concrète de l’investissement dans des entreprises et projets, connectés à la réalité des besoins pour faire face aux urgences environnementales et sociales : transition énergétique, dégradation du vivant, inégalités sociales…

Elle vise à questionner les modèles économiques et financiers en tentant de placer l’impact au même niveau que la rentabilité financière. Au-delà des limites actuelles de la finance à impact (profondeur de marché des entreprises et des projets à impacts, concrétisation de la performance financière et de l’impact sur le temps long), le prochain défi pour la finance à impact sera de massifier ses investissements et de s’imposer au côté de l’ISR ou de la finance verte.


Un éclairage proposé par :
Garance Soavi – Consultante chez Bartle
Valentin Villa – Consultant chez Bartle
Andry Ratsimba-Rajohn – Senior manager chez Bartle

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