L’impact comme outil de pilotage de la ville de demain

Réinventer la ville en conservant les liens solides avec ses habitants

Face aux défis climatiques, les villes de demain devront se réinventer pour s’adapter. Il ne s’agit pas seulement de développer des solutions techniques pour rendre les centres urbains plus respectueux de l’environnement, il s’agit de repenser radicalement le fonctionnement urbain actuel et les modes de coopération entre ses différents acteurs.

Les considérations techniques de durabilité écologique sont fondamentales pour réimaginer les villes de manière durable. De l’impact sur la biodiversité à la pollution des eaux souterraines, l’impact environnemental doit être au cœur des choix de planification urbaine. Mais une ville est avant tout un lieu d’échanges intellectuels, culturels et sociaux. Un plan de développement urbain véritablement durable doit intégrer cette vocation fondamentale. L’innovation urbaine doit prendre en compte tous les facteurs culturels et sociaux qui affectent la vie des citoyens.

Développement de mobilités douces, accessibles et décarbonées, accès à des biens et services communs fondamentaux, habitat adapté et efficace énergétiquement aussi bien en hiver qu’en été, polyvalence foncière et cycle de vie des bâtiments, gestion circulaire des ressources et des déchets sont autant de défis sur lesquels les villes de demain vont devoir se pencher.

Au-delà de la planification urbaine, il est nécessaire de travailler sur la résilience des villes tout en préservant leur identité. Nous devons réfléchir au type de société que nous voulons construire, en encourageant des processus d’intelligence collective et le développement de liens solides entre la ville et ses habitants.

En ce sens, il est indispensable de penser un développement urbain inclusif. De la disparition d’emplois engendrée par la transition vers un monde bas carbone aux conséquences du réchauffement climatique sur les populations défavorisées, ces crises aggraveront encore les inégalités sociales si rien n’est fait pour contrecarrer leur impact.

Des exemples inspirants de projets de durabilité montrent la variété des aspects à prendre en compte lorsqu’on essaie d’imaginer et de planifier la ville de demain.

Berlin, ville « éponge »

Berlin se métamorphose en une ville-éponge pour s’adapter aux phénomènes climatiques extrêmes. Ce concept vise à stocker l’eau de pluie localement pour limiter les ruissellements et inondations et lutter contre la sécheresse. Des bassins d’eau de pluie, des toits végétalisés ou la désimperméabilisation des sols transforment peu à peu la capitale allemande en un modèle de résilience face aux défis climatiques.

Cependant, la transformation des quartiers existants en villes-éponges représente un défi majeur, nécessitant des ajustements délicats et une acceptation sociale. Porté par des initiatives telles que l’Agence berlinoise des eaux de pluie et soutenu par des architectes-paysagistes visionnaires comme Carlo Becker, ce mouvement aspire à transformer les villes à l’échelle mondiale pour les adapter aux réalités climatiques actuelles et futures.

Saint-Germain-en-Laye, Montesson, et l’Île-Saint-Denis : les Quartiers en Transition

La méthode Quartiers en Transition (QeT) propose un modèle participatif pour aborder les défis de transition vers une société plus durable. Au cœur de cette approche se trouvent les ‘Profils d’Usages’, un outil transversal permettant d’analyser finement les habitudes de consommation carbonées au sein de la population. Grâce à cette méthode et aux Profils d’Usages, les citoyens sont engagés dans la création de projets concrets visant à réduire l’empreinte carbone du territoire tout en améliorant la qualité de vie locale.

En documentant l’ensemble du processus, la méthode QeT favorise la transparence et la traçabilité des initiatives de transition locale, renforçant ainsi l’appropriation collective des enjeux climatiques et l’engagement citoyen pour un avenir plus durable. Les citoyens ont élu des sujets variés, comprenant la promotion des mobilités alternatives à la voiture, l’accessibilité à une alimentation saine et durable, ainsi que les thématiques du réemploi, de la revalorisation et de l’auto-réparation.

La gestion durable des eaux d’exhaure par la RATP

Le groupe RATP et ses partenaires ont récemment lancé un consortium scientifique dédié à la valorisation des eaux d’exhaure, en réponse aux défis du changement climatique et du stress hydrique en France et en Île-de-France. Ce consortium vise à mobiliser les acteurs du territoire pour une gestion durable des ressources en eau, partager des connaissances et des savoir-faire pour identifier de nouvelles solutions de revalorisation des eaux d’exhaure, et accompagner l’émergence d’une réglementation encadrant leur usage.

En tant que premier collecteur d’eaux d’exhaure en Île-de-France, la RATP a déjà mis en œuvre plusieurs initiatives de valorisation de ces eaux sur son réseau, telles que l’injection dans le réseau d’eau non potable de la Ville de Paris, l’utilisation pour l’arrosage des espaces verts et même l’alimentation du réseau de froid de la Ville de Paris.

La régie souhaite aujourd’hui multiplier les projets de valorisation en partenariat avec des collectivités franciliennes et proposer ces eaux aux villes traversées par son réseau pour contribuer à l’effort collectif national vers la diminution des prélèvements d’eau douce dans le milieu naturel et de la consommation d’eau potables.

Des critères d’impact bien définis

La réussite des projets de villes durables repose sur des critères d’impact bien définis, permettant d’évaluer leur efficacité et leur contribution à la transformation écologique et sociale des territoires.

Le choix des projets urbains à développer doit aujourd’hui s’axer autour de critères d’impact, permettant de préserver l’habitabilité et de renforcer la résilience des villes. Voici quelques exemples de critères qui peuvent être pris en compte lors de l’évaluation des projets de durabilité urbaine.

Environnement :

• Réduction des émissions de gaz à effet de serre : diminution des émissions ; émissions évitées ; contribution carbone.
• Utilisation des énergies renouvelables : développement de projets de production et utilisation d’énergie renouvelable.
• Préservation et restauration de la biodiversité : Protection et restauration des écosystèmes locaux, y compris la protection, préservation ou création des habitats naturels, la gestion des espèces envahissantes et la protection et renforcement de la diversité biologique.
• Gestion durable des ressources naturelles : Utilisation efficace et économe des ressources naturelles telles que l’eau, et des matières premières, avec des pratiques de gestion circulaire (recyclage, réutilisation et réduction des déchets).
• Utilisation des sols : désimperméabilisation ; préservation de zones non urbanisées, des terres agricoles et des espaces verts ; promotion de l’agriculture urbaine et périurbaine, renaturation d’espaces.

Résilience et adaptation au changement climatique :

• Gestion des risques naturels : contribution à la prévention de catastrophes naturelles telles que les inondations, les tempêtes et les vagues de chaleur ; mise en œuvre de mesures d’adaptation pour minimiser les impacts de ces risques.
• Infrastructure résiliente : Promotion de la robustesse des infrastructures urbaines face aux chocs climatiques, notamment la résistance aux tempêtes, aux sécheresses ou aux montées du niveau de la mer.

Qualité de vie et environnement urbain :

• Accès aux espaces verts : Accessibilité des espaces verts et de loisirs pour tous les résidents.
• Réduction des pollutions : Impact sur les niveaux de pollution atmosphérique, lumineuse et sonore.
• Mobilité inclusive : Accessibilité des infrastructures de transport ; mise en place de services de transport spécifiques, tels que des navettes pour personnes handicapées ou des services de transport à la demande ; considération des besoins de déplacement des populations marginalisées, notamment celles vivant dans des quartiers défavorisés, enclavés ou éloignés des centres urbains.

Justice, Equity, Diversite et Inclusion (JEDI) :

• Accessibilité universelle : Accessibilité des services, des transports et des infrastructures pour tous les groupes de population, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées, les enfants et les communautés marginalisées.
• Lutte contre la pauvreté : Efforts visant à réduire les inégalités socio-économiques et à assurer un accès équitable aux services de base tels que le logement, l’éducation et les soins de santé.

Participation citoyenne et gouvernance :

• Engagement communautaire : Promotion de l’engagement et de la participation des citoyens dans le processus de planification, et de la prise de décision concernant les projets urbains.
• Collaboration multi-acteurs : Promotion de la coopération entre les gouvernements locaux, les entreprises, les organisations de la société civile, l’ESS et les citoyens dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des projets de villes durables.

Cette analyse permet de remettre l’impact et l’utilité réelle au cœur des politiques de gestion et d’aménagement de la ville, et ainsi de proposer un projet urbain stimulant, désirable et offrant des perspectives positives pour les années à venir. Il est aujourd’hui impératif que l’ensemble des décideurs et acteurs transforment leur prisme d’analyse pour développer des projets adaptés au contexte profondément transformé dans lequel nous vivons et opérons à présent.

Un article proposé par :
Lucia Augello – Consultante chez Bartle
Ninon Galice – Manager chez Bartle