Davos 2024 : reconstruire la confiance en contribuant réellement à une transition juste

Alors que se tient cette semaine le Forum Économique Mondial de Davos, les grands de ce monde, gouvernements, organisations internationales, grandes entreprises et ONG, se rassemblent dans cette petite station de ski suisse pour aborder les grands enjeux économiques et sociaux mondiaux, tels que la pauvreté, les inégalités, le changement climatique ou encore les tensions géopolitiques.

Une tribune proposée par Louis Raynaud de Lage.

Secteur

International

Auteur

Louis Raynaud de Lage

Date de publication

18 janvier 2024

Temps de lecture

5 mins

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Forum économique Davos

Cette année, le forum a pour thème central « Rebuilding Trust ». Un thème d’une rare pertinence puisque parmi les 1 490 experts interrogés pour identifier les principaux risques globaux à traiter dans cette édition, la désinformation est ressortie comme le principal risque à horizon deux ans.

Nous pensons que reconstruire la confiance ne passera pas (seulement) par des discours, ou même par une meilleure information mais par des actes courageux, de la part de nos dirigeants politiques et économiques. Il s’agit, non plus de changer les paramètres du modèle économique dominant visant l’enrichissement du seul actionnaire, mais le modèle économique lui-même pour élargir le partage de la valeur à l’ensemble des parties prenantes, la nature inclue.

Limits to growth

En effet, les conséquences environnementales du modèle néolibéral fondé sur une vision de l’accumulation comme finalité économique, qui s’est imposé à la fin des années 1970, ne sont pas soutenables du point de vue des limites planétaires. Le GIEC a répété que les activités humaines étaient à l’origine du changement climatique. L’UNEP nous indique dans son dernier rapport que la trajectoire de réchauffement est de 2,9°C à horizon 2100.

L’IPBES, qui joue un rôle similaire au GIEC mais dans le domaine de la biodiversité, a mis en avant dans un rapport publié en 2022 que la tendance à favoriser les gains financiers à court terme et la croissance économique, en se basant exclusivement sur le Produit Intérieur Brut (PIB), a pour effet d’ignorer les diverses valeurs non-économiques liées à la nature.

Cela inclut des éléments cruciaux tels que la régulation climatique, l’identité culturelle, les effets sur le bien-être liés aux changements dans l’environnement naturel, ainsi que la surexploitation des écosystèmes, alors même qu’une personne sur cinq dans le monde dépend directement de la biodiversité pour ses revenus et sa nourriture.

De même, le modèle économique dominant, fondé sur la croyance du caractère illimité des ressources, a mené à une surexploitation de celles-ci. Selon le Circular Gap Report, une économie circulaire pourrait inverser cette tendance en réduisant d’un tiers l’extraction et l’utilisation de matériaux à l’échelle mondiale.

Il y a donc urgence à intégrer les externalités négatives des entreprises sur l’environnement dans la compréhension que les entreprises ont de leur activité. Elles doivent ainsi les prendre en compte dans leur reporting et c’est notamment le sujet de la CSRD en Europe, mais aussi les amener à changer radicalement de modèle, en valorisant les services rendus aux écosystèmes naturels plutôt que la destruction de ceux-ci, comme les tenants de l’économie régénérative l’y invitent.

Il n’y aura pas de transition sans justice sociale

Mais, alors même que les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles et irréversibles, la conscience environnementale de la majeure partie de la population mondiale n’augmente pas. Elle diminue… comme le montre l’Allianz Climate Literacy Survey.

Le monde moderne se caractérise par une complexité croissante et les questions écologiques n’y font pas exception. Qui plus est, l’environnement n’apparaît pas en tête des priorités de M. Toutlemonde qui pense d’abord aux conséquences concrètes de l’inflation, à l’absence de perspective économique et aux deux effroyables guerres dont les nouvelles et les images impriment quotidiennement leur sceau de terreur dans son esprit.

Il est donc urgent de réinventer le discours politique, économique et médiatique en rendant désirable un mode de vie compatible avec les limites planétaires.

Problème, les inégalités croissantes, angle mort du politique, rendent inacceptables la sobriété subie par les moins aisés, alors qu’Oxfam a révélé en ouverture de Davos que depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune, alors que, au cours de la même période, près de cinq milliards de personnes se sont appauvries.

C’est l’autre versant de la théorie du Donut, développée par Kate Raworth, qui nous invite à considérer autant la dimension environnementale que les besoins sociaux essentiels des populations.

Il n’y aura donc pas de transition durable, efficace et surtout acceptable sur le plan environnemental tant que les plus puissants n’auront pas montré l’exemple, tant que des mécanismes de justice redistributive n’auront pas contribué à faire réellement ruisseler l’argent où il est nécessaire : pour sauvegarder les écosystèmes naturels et répondre aux besoins en nourriture, eau potable, soins, éducation de qualité, logement décent, paix sociale de plusieurs milliards d’individus.

Les Etats qui émergeront victorieux seront ceux qui auront, à leur niveau, mis en place les conditions d’une transition juste, fondée sur l’équité et la nécessaire contribution de chacun à la mesure de ses moyens mais aussi de ses impacts – les 1% les plus riches émettant autant de CO2 que les deux tiers de l’humanité les plus pauvres selon Oxfam.

Les entreprises qui émergeront victorieuses seront celles qui auront pris l’initiative de changer de modèle pour contribuer à réduire les externalités négatives environnementales et sociales, en élargissant leur responsabilité à l’ensemble de leur chaîne de valeur et en développant des logiques de coopération à taille d’homme sur les territoires pour favoriser une économie humaine.

Davos 2024 ne doit pas être un simple forum de discussion

Le Forum de Davos 2024 est donc un moment charnière. Il ne s’agit pas seulement de reconstruire la confiance, mais de façonner une économie résiliente, juste et durable. Les délibérations et décisions prises lors de ce rassemblement auront un impact profond et durable sur la trajectoire économique mondiale. C’est une opportunité unique pour les leaders mondiaux de démontrer leur engagement envers une véritable transformation économique et sociale.

Il est impératif que les discussions de Davos dépassent le cadre théorique pour se traduire en actions concrètes. L’économie mondiale est à un carrefour. La voie choisie aujourd’hui définira l’avenir de notre planète et de ses habitants. L’heure est à l’action résolue et éclairée. Davos 2024 ne doit pas être un simple forum de discussion, mais le lieu où s’expriment enfin des actions courageuses, pour une transition juste.


Une tribune proposée par :
Louis Raynaud de Lage – Manager chez Bartle

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