Dark stores, stop ou encore ?

En cette rentrée, le 6 septembre, la Ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a reçu des élus pour discuter de la réglementation à venir concernant ces magasins-entrepôts que sont les dark stores. Aux bornes du respect des règles en matière d’urbanisme, qu’en est-il de la pérennité de ce segment émergent ?

Une tribune écrite par Antoine Vigier

 

Secteur

Immobilier

Auteur

Antoine Vigier

Date de publication

9 septembre 2022

Temps de lecture

4 mins

Partager l’article
dark stores

Marge x Volume x Expérience client : voici la combinaison gagnante poursuivie par les enseignes pour se développer. C’est pour répondre à cette équation toujours plus complexe dans un milieu toujours plus concurrentiel que l’on a vu apparaitre le phénomène des dark stores : ces commerces sans clients, de taille modeste, installés dans les villes et dédiés à la livraison à domicile de produits alimentaires.

Sommaire de l’article

Dark store : le côté clair de la force

Sur la marge, le dark store présente plusieurs atouts :

  • Il optimise les coûts d’exploitation en maximisant le stock, les flux de livraison et les équipes disponibles pour servir une même zone de chalandise.
  • Il réduit le risque de coût immobilisé que peut présenter un magasin classique face à des situations extrêmes comme les confinements.
  • Enfin, le coût au m² des cellules transformées est souvent moindre qu’une cellule commerciale classique (moins de vitrine, emplacement moins visible etc.).

En bref, c’est un cas d’usage on ne peut plus optimisé pour la marge des retailers…

Sur le volume et l’expérience client :

  • Il permet un ciblage plus large qu’un magasin physique, que ce soit en étendant la zone de chalandise ou en adressant plus facilement des prospects encore non-clients par des canaux de communication digitaux.
  • Il répond à un besoin croissant des urbains cherchant à maximiser leur temps disponible, selon les souhaits de chacun, au travail, au loisir ou à la famille, en externalisant leurs tâches ménagères.

En plus d’être pertinent pour les retailers et les citadins, il présente aussi quelques avantages pour la société, notamment la création d’emplois et le recyclage de m² inutilisés comme les parkings ou les commerces vacants, notamment dans les hypercentres où nombre d’enseignes souffrent du développement du e-commerce.

Dark store : le côté obscur de la force

Le dark store est-il alors un véritable graal commercial ? La réponse mérite des nuances car il présente des externalités négatives à ne pas ignorer.

D’abord, il est à la limite de la légalité en termes de respect des règles d’urbanisme et du bail, comme l’a récemment alerté la Mairie de Paris, et ce que confirment les consultations menées durant l’été. Il ne s’agit ni plus ni moins d’entrepôts installés dans des locaux où le plan local d’urbanisme (PLU) n’autorise pas cette activité. Sauf retournement de situation, la fin de la recréation a donc sonné pour les acteurs s’étant engouffrés dans la brèche.

Ensuite, il entre en concurrence frontale avec les autres commerces, venant réduire l’animation et dynamisme des hypercentres. Et enfin, il concentre les nuisances, notamment sonores, que peuvent représenter le fait d’avoir une plateforme logistique située dans un immeuble d’habitation, plutôt que dispersée en différents points de vente, qui plus est ouverte sur des horaires étendus.

— Si d’après les annonces récentes, la requalification des dark stores en entrepôts semble acquise, la nuance s’impose tant que le texte de loi n’est pas publié.

Le dark store, in fine plus proche de 50 Shades of Grey que de Dark vador

Le dark store est en fait un paradoxe : il aurait une très forte utilité et assumerait un rôle écologique s’il était déployé dans des zones en déficit de commerces, permettant aux habitants d’éviter de réaliser des trajets de plusieurs dizaines de kilomètres en voiture pour faire leurs courses.

Aujourd’hui, le concept répond uniquement à des besoins d’urbains, qui possèdent déjà, à quelques minutes à pied ou à vélo, tout ce dont ils ont besoin. Il s’inscrit à raison dans une logique de maximisation des profits, et non de maximisation de l’offre de services et de réductions des dépenses carbonées. Il constitue donc un levier purement mercantile, répondant à une logique d’optimisation du temps utile et non pas un véritable progrès sociétal.

La mise en place actuel d’un cadre législatif clair pour assurer une cohérence réglementaire s’impose donc pour accroitre sa présence là où il est socialement utile, et le juguler là où il présente des externalités négatives. Les échanges en cours sont donc salutaires pour le futur d’une activité qui a grand besoin de se structurer pour le bien de tous les acteurs directs et indirects.

Si d’après les annonces récentes, la requalification des dark stores en entrepôt semble acquise, la nuance s’impose tant que le texte de loi n’est pas publié. Rappelons-nous du cas Uber en 2015/2016 : leur fin était annoncée… et in fine le nombre d’acteurs a explosé. La situation ici est similaire : un nouveau business qui joue avec les frontières du légal, des acteurs politiques qui réagissent fortement… pour accoucher d’un compromis de bon sens ?

Alors, stop ou encore ?

Stop ET encore, mais pas n’importe où et pas n’importe comment. Une régularisation forte est nécessaire en milieu urbain et le concept est à parfaire pour satisfaire les besoins du monde rural. Comptons sur la constructivité des acteurs et les actions très récemment engagées (Ministères, élus locaux, enseignes, association de riverains…) pour une régularisation intelligente de l’activité, ainsi que l’apports d’expertises retail, supply-chain & immobilier externes telles que nous en disposons chez Bartle, pour accompagner la consolidation du modèle.


Une tribune écrite par :
Antoine Vigier – Manager chez Bartle

UNE QUESTION,
Un projet

Nous nous tenons à votre disposition !