Biodiversité : mesurer son impact de manière systémique est une nécessité pour agir

Face au caractère systémique de la crise environnementale, les entreprises doivent se saisir de l’enjeu de la biodiversité. Comprendre l’ampleur de leur impact, fixer des objectifs et engager des actions implique de mesurer leur impact sur la biodiversité.

Un article proposé par Louis Raynaud de Lage.

Secteur

RSE

Auteur

Louis Raynaud de Lage

Date de publication

19 octobre 2023

Temps de lecture

4 mins

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biodiversité

Pourquoi prendre en compte la biodiversité ? Un enjeu environnemental, économique et sociétal

« La nature décline à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine » selon l’IPBES [1]. Les activités humaines entraînent une accélération de l’extinction du vivant menaçant directement les services écosystémiques dont l’homme dépend. L’IPBES estime qu’un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction.

Or, plus de 50 % du PIB, soit 44 000 milliards $, dépendent des ressources naturelles selon un rapport de la Banque Mondiale. Si la dégradation des écosystèmes se poursuit dans le temps, le coût associé à l’inaction pourrait être de 14 000 milliards à horizon 2050.

Face à cet effondrement du vivant, l’opinion publique appelle les entreprises à agir. 57% des Français considèrent que les entreprises ont un rôle majeur à jouer en matière de biodiversité.

En parallèle, un cadre normatif se développe. À l’échelle internationale, la COP 15 encourage les entreprises à « évaluer et à rendre public leurs risques, dépendances et impacts sur la biodiversité ». En France, la Loi Energie et Climat, en écho à la SFDR, introduit pour les investisseurs une obligation de reporting sur la biodiversité dès 2022. La CSRD va, elle, contraindre 50 000 entreprises européennes à réaliser leur reporting extra-financier. La biodiversité y figure en bonne place.

Les entreprises, pressées par ces enjeux, doivent donc se mettre en capacité de mesurer leur impact sur la biodiversité afin d’agir en connaissance de cause.

Un foisonnement méthodologique récent et des dénominateurs communs

Nous assistons à un foisonnement méthodologique depuis plusieurs années, que la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité et France Stratégie ont chacune tenté de cartographier. Nous ne citons ici que certaines d’entre elles. Nous nous appuyons notamment sur le rapport d’évaluation mondiale de l’IPBES, qui identifie cinq facteurs accélérant l’érosion de la nature qui doivent être pris en compte :

  • Changements d’utilisation des terres et des mers
  • Changements climatiques
  • Pollution
  • Exploitation des ressources naturelles
  • Développement des espèces invasives

TNFD : une approche financière de la biodiversité

La Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD), initiée en 2021 sous l’impulsion d’acteurs financiers, développe un cadre qui aborde les risques et opportunités financiers associés à la nature, à la biodiversité, et à la crise des écosystèmes. Elle propose un ensemble de recommandations et d’orientations en matière de divulgation, à l’intention des organisations, afin qu’elles rendent compte de l’évolution des dépendances, des impacts, des risques et des opportunités liés à la nature, et qu’elles agissent en conséquence.

Analyse de Cycle de Vie (ACV) : une vision systémique de l’empreinte environnementale tout au long du cycle de vie

L’ACV mesure, tout au long du cycle de vie d’un produit, d’un service ou d’une organisation, les impacts sur l’environnement sur des catégories d’impact telles que les émissions de GES, l’exploitation des ressources, la pollution de l’air, etc. Par exemple, le groupe Legrand s’est intéressé à « l’évaluation de la biodiversité grise » (par analogie à l’énergie grise), c’est-à-dire au cumul des impacts sur les écosystèmes et la biodiversité de l’ensemble du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit.

CARE : une approche fondée sur l’intégration du capital naturel en comptabilité

L’approche CARE [2], élaborée par la Chaire Comptabilité écologique, est un outil de comptabilité multi-capitaux qui intègre le capital naturel et humain dans la comptabilité des entreprises. Son objectif est de faire reconsidérer aux entreprises leurs objectifs stratégiques, pratiques de gestion et modèle économique à l’aune de leurs impacts. Le Groupe Carrefour a expérimenté cette méthode, lui permettant de relier ses enjeux financiers et extra-financiers.

SBTN : une approche fondée sur la matérialité des impacts

L’initiative SBTN [3], fondée sur les travaux de l’IPBES, de la TNFD et les ODD permet d’évaluer et de prioriser les impacts de la chaîne de valeur d’une organisation sur la nature. Elle vise à définir des objectifs de conservation alignés sur les connaissances scientifiques et à élaborer des plans d’action visant à éviter, à réduire ces impacts, et à restaurer le capital naturel, contribuant ainsi à la préservation de l’environnement. Le Groupe Bel a testé cette approche qui lui a permis d’identifier les impacts matériels sur sa chaîne d’approvisionnement et de prioriser les ingrédients et localisations sur lesquels travailler pour réduire son impact.

Grâce à des méthodes d’évaluation rigoureuses, les entreprises peuvent mieux comprendre les pressions qu’elles exercent sur la biodiversité et prendre des décisions éclairées pour protéger notre patrimoine naturel. L’action pour la biodiversité est, en effet, cruciale pour leur pérennité, mais aussi pour assurer un avenir durable pour toutes les formes de vie sur Terre.


Un décryptage proposé par :
Louis Raynaud de Lage – Manager chez Bartle


[1] IPBES : Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. L’équivalent du GIEC pour la Biodiversité

[2] CARE : Comptabilité Multi-Capitaux pour l’Intégration du Capital Naturel et Humain

[3] SBTN : Science Based Targets for Nature

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